« Que sert à l’homme de gagner l’univers s’il vient à perdre son âme ?
En entendant les textes de ce jour, on peut avoir l’impression que la Parole de Dieu nous invite à nous désintéresser du temps présent… « Vanité, tout est vanité ». Lorsque l’on vient demander à Jésus un conseil en une matière très concrète, il fait savoir combien cela a peu d’importance à ses yeux. À la première lecture, on peut donc croire que la seule chose qui compte vraiment, c’est la ‘vie d’après’, et il faut donc ne pas faire cas du présent… Ne faudrait-il d’ailleurs pas abréger ces jours trop longs qui nous séparent du but ?
Bien évidemment, vous savez que ce n’est pas du tout le projet du Christ. C’est d’abord un appel au discernement, afin que nous sachions découvrir ce qui est réellement nécessaire. C’est d’ailleurs une prière que l’on fait souvent : « donne-nous aujourd’hui notre de pain de ce jour »… ce « de ce jour » qui fait doublon, veut traduire un terme extrêmement rare (et difficile à traduire) en grec, que l’on pourrait traduire « sur-essentiel ». Finalement, dans le Notre Père, nous demandons à Dieu de nous donner de percevoir ce qui est vraiment nécessaire.
« La vie est courte, mangeons et buvons », disaient Grecs et Romains ; « repose-toi, mange, bois, jouis de l’existence » s’écrie notre homme de la parabole… Et nous ?
« Recherchez les réalités d’en-haut » nous crie Saint-Paul… Qu’est-ce à dire ? La réalité d’en-haut par excellence, c’est Dieu. Ce Dieu qui est « le Vivant », Dieu qui est amour… En Dieu, vivre, c’est aimer et aimer, c’est vivre. Et nous sommes à l’image de ce Dieu : nous sommes faits pour vivre, pour aimer.
À ce titre, la mort s’oppose au projet du Dieu des vivants. Mais il y a deux façons de mourir.
De la mort physique, par la mort et la résurrection du Seigneur, nous savons que nous pouvons guérir : Le Christ nous sauve de cette mort. Cette mort-là est triste, mais elle n’est pas grave, car nous ressusciterons au dernier jour.
L’autre mort, c’est la mort spirituelle, la mort de ne pas aimer, la fin de toute relation, avec Dieu et avec notre prochain. C’est essentiellement le refus d’aimer et de se laisser aimer. C’est ce qu’on appelle l’enfer : non pas un lieu, mais essentiellement un état : d’isolement, de solitude, de rupture de tout lien… et donc de tristesse.
Pour éviter la mort spirituelle, il nous faut choisir la vie, et nous engager résolument dans l’Amour !
L’actualité nous donne à réfléchir : on a ôté la vie physique au P. Jacques Hamel. Triste, oui. Mais grave ? Pour lui, non. Il avait foi au Christ, en sa résurrection. Chaque jour depuis 58 ans, il célébrait la messe, et chaque jour, il unissait sa vie à l’offrande du Christ : chaque jour, il répétait ces paroles : « ceci est mon corps, ceci est mon sang, donné pour vous, versé pour vous ». En ce mardi d’été, il a vécu en sa chair ce qu’il était en train d’offrir. Il a pu dire, à l’image de son maître, « ma vie, nul ne la prend, c’est moi qui la donne » !
En revanche, pour ses assassins, la mort du P. Jacques est grave : en le tuant lui, ils ont pris le parti de la mort, et la mort est entrée dans leur cœur bien avant leur mort physique.
Colère ? Oui. Inquiétude ? Oui.
Mais face à cette situation, nous avons deux impasses à fuir résolument : nous ne voulons pas de la vengeance, car c’est ajouter destruction à la destruction, du mal au mal. C’est une logique de mort, cette culture de mort qui est à l’origine de l’avortement ou de l’euthanasie.
Nous ne voulons pas du pacifisme, nous voulons la justice, nous voulons aimer ici et maintenant. Notre vie est précieuse, voulue par Dieu, nous n’en avons qu’une ; et aujourd’hui, nous voulons vivre pleinement, nous voulons proclamer notre foi, témoigner de l’amour de Dieu pour chacun. En réalité, la vie éternelle commence aujourd’hui, et c’est de cette vie que dépend toute mon éternité.
Alors nous allons aimer, prier : en demandant à Dieu d’accueillir dans sa paix et dans sa joie les victimes de tous les attentats de ces derniers mois. Nous allons aimer, prier : en demandant à Dieu d’accorder Espérance, paix et sérénité à tous les proches des victimes : qu’ils découvrent la consolation dans le Christ. Nous allons aimer et prier : en demandant à Dieu de sauver les assassins. Ils sont aussi des merveilles, des personnes humaines voulues pour elles-mêmes et aimées de Dieu. Malgré l’endurcissement de leurs cœurs, qu’ils soient touchés par la tendresse, la miséricorde et le pardon de Dieu. Qu’ils acceptent de se laisser pardonner par notre Dieu qui est Père.
C’est un peu dur allez-vous me dire… Mais, comme le disait hier soir le pape François au million et quelques de jeunes rassemblés lors de la veillée : « le bonheur, ce n’est pas un divan »
Aujourd’hui, nous allons intercéder, nous voulons témoigner, nous voulons travailler à l’établissement d’un monde meilleur. Pour cela accueillons le Christ qui donne sa vie, et acceptons d’être changé par lui. Laissons-nous aimer, et nous pourrons aimer.
Abbé Gaël de Breuvand +
Heureuse de pouvoir ENFIN relire l’ homélie du dimanche qui permet de l’intérioriser beaucoup plus profondément. MERCI;